Ayant été invité à donner mon avis sur Wellington, je vais le faire.
Pour considérer les qualités militaires de Wellington il faut réaliser quelles sont ses qualités et défauts. Car comme tout général il n’est pas infaillible, et il fit de nombreuses erreurs, tout comme Napoléon et d’autres.
Ce que les campagnes d’Espagne nous apprennent.
Wellington réalise très vite que la campagne d’Espagne est :
– 1. Une guerre où la logistique française est primordiale à sa survie ;
– 2. Une guerre où l’information sera vitale.
Cela est vrai de toute guerre, mais plus particulièrement ici. Il faut se rendre compte que lorsque Wellington dispose de 50.000 Anglo-Portugais, les Français disposent du triple dans la région (et d’environ 300.000 hommes en Espagne). Wellington ne peut donc pas se permettre de se faire surprendre. Cela ne lui arrivera qu’une fois.
Wellington fut brillant dans sa gestion stratégique de la campagne. Certes il fut prudent, mais si son armée se fait battre, c’en est fini de la Péninsule. L’Espagne ne peut pas survivre sans Wellington et Wellington ne peut pas survivre sans l’Espagne. Et cela il le comprit très vite.
Le génie de Wellington en Espagne est d’avoir compris la vrai nature du combat et d’avoir su utiliser toutes les armes à son avantage. Et après tout, c’est ce que l’on demande à un général.
Stratégiquement Wellington fait presque un sans faute en Espagne. Tactiquement de même. Wellington ne se retrouve en mauvaise posture que 4 fois : El Bodon, Fuentes de Onoro, la retraite sur Salamanque et la bataille de la Nive.
Beaucoup de gens semblent critiquer sa capacité à attaquer. Je pense que ces gens-là devraient regarder d’un peu plus près les années 1813-14 (San Sebastian, Nivelle, Orthez…), de même que la bataille de Salamanca. Cette dernière est un chef d’œuvre de réaction, et est une totale offensive anglaise.
Pour moi, le Wellington d’Espagne est brillant. Et je ne suis pas certain que même Davout ou un autre auraient pu le battre.
– À part Toulouse pour laquelle les deux parties considèrent une victoire, ce sont des victoires anglaises.
Étudions maintenant les batailles défensives :
À Vimiero, Talavera, Busacco et Waterloo Wellington est en position au matin et son dispositif change peu. C’est l’archétype de la défense de Wellington en contre pente.
À Fuentes de Onoro, Quatres-Bras et la Nive, Wellington réagit a une attaque ennemie contre les positions anglo-alliées alors que Wellington n’est pas encore en position bien sécurisée (par sa faute en général). Mais ces batailles prouvent que Wellington peut réagir très vite à une situation critique… tout comme Napoléon sait le faire (ex Marengo, Lützen etc.…)
Dans les batailles mineures défensives il est bon de citer la bataille d’El Bodon dans laquelle Wellington montre qu’il sait utiliser la carte du bluff.
Regardons maintenant les batailles offensives :
À Salamanca, Wellington réagit très efficacement à une faute de son adversaire et retourne ce qui se préparait être une retraite en une grande victoire.
Je ne connais pas suffisamment Vittoria (il me semble que c’est un mouvement d’encerclement) ni San Sebastien (passage d’une rivière défendue).
À Nivelle, Wellington attaque une série d’ouvrages fortifiés et bien défendus.
À Orthez, il flanque Soult.
À Toulouse, encore il attaque une série de positions fortifiées françaises.
En bref, Wellington sait :
– Défendre ;
– Réagir face à l’imprévu ;
– Attaquer le Français en rase campagne ou retranché.
Je pense donc qu’il est injuste de dire que Wellington ne sait faire qu’une seule chose : défendre derrière une série de collines.
Et dans tout cela je n’ai pas touché aux campagnes de Wellington aux Indes.
En ce qui concerne 1815, c’est une tout autre histoire. Wellington n’est pas à la hauteur. La journée du 15 juin si critique à la campagne est une tache à sa réputation. Il se montre trop hésitant, pas assez décisif et réagit bien trop tard. On ne peut blâmer personne d’autre que lui.
Pourquoi un tel contraste? Il est vrai que durant la campagne d’Espagne (après Talavera) il n’a combattu que seul, et n’a donc jamais eu a se soucier d’un allié. Peut-être est-ce là le problème ? Peut-être est-ce sa prudence parfois excessive qui ressurgit ? Qui sait. Ce qui est certain c’est que Wellington en juin 1815 n’est plus le Wellington de 1809-14.
L’image que j’ai de Wellington est donc une image partagée. Ses qualités tactiques sont indéniables, et ses capacités à gérer une armée et sa logistique sont exceptionnelles. Par contre 1815….
Mais après tout, qui n’a pas eu ses périodes noires ? Napoléon en Russie et en Espagne fait de très mauvais choix stratégiques et tactiques…. et tous les généraux de l’époque en font… Wellington n’est simplement pas l’invincible général… il est humain.
En Espagne, il remplit sa mission admirablement avec des moyens bien inférieurs à ceux des Français…. après tout, c’est ce qui est demandé à un général.
Les publications fondamentales (lectures préliminaires mais souvent critiquables)
Alambert et Colin : « La campagne de 1805 en Allemagne », publiée par le Service Historique de l’Etat Major des Armées (6 volumes entre 1902 et 1908 mais il manque le 7ème volume sur la bataille d’Austerlitz.
Stockalaska : « Die Schlacht bei Austerlitz », Vienne 1905
Stutterheim: « Die Schlacht bei Austerlitz », 1806, premier témoignage publié, commenté dans les publications suivantes par Napoléon I° et Bernadotte, réédition en novembre 2005. Jean Claude Gawsewitch éditeur. Les commentaires de Patrick Girard sont affligeants de banalités.
Lachouque Henry : deux livres des années 60 : « Napoléon à Austerlitz » en 1961 et « Le 2 décembre 1805 » en 1968
Anderson : the Napoléonic campaign of 1805, 1912
Malo : Précis de la campagne de 1805, Paris, 1886
Thiry J. : Ulm, Trafalgar, Austerlitz. Berger-Levrault, Paris, 1962
Manceron Claude : Austerlitz. Laffont, Paris, 1960
Les monographies savantes (travaux d’universitaires ou de passionnés sur des questions parfois exotiques)
Paul Azan : « Du Rhin à Ulm » SHEMA, paris 1909
Loeffeln : « Das Treffen bei Elchingen und die Katastrophe von Ulm » Vienne, Frey, 1904
Jean Morvan : « Le soldat impérial », Paris 1904
La guerre napoléonienne. Précis des campagnes. réédition Teissèdre, Paris, 1999.
Lynn, John A. : “The Sun of Austerlitz: Romantic Visions of Decisive Battle in Nineteenth-Century Europe.” Chapter 6 in Battle: A History of Combat and Culture. Boulder, CO: Westview Press, 2003
La bataille napoléonienne dans la peinture et la pensée stratégique en France au XIX° siècle sous la direction de Bruno Colson Bruxelles Louvain la neuve, 2003
« Napoléon a-t-il dicté à Daru le plan de campagne de 1805 ? » in Revue de l’institut Napoléon, N°121, oct. 1971
La figure de Napoléon dans la bataille à travers trois générations de peintres, de Gérard à Meissonier par Emmanuel de Waresquiel; cahiers du CEHD, 2003
Les publications récentes (de qualité inégales)
David Chandler : Austerlitz 1805, Londres 1990
Scott Bowden : Napoleon at Austerlitz, Chicago, 1997
Christopher Duffy : Austerlitz 1805, London 1999
Goetz Robert : 1805 Austerlitz, London , 2005
Tranié et Carmigniani : Napoléon et la Russie , les années victorieuses, Lavauzelle,1980 texte indigent mais remarquable iconographie
Alexandre Andrault de Langeron : Journal inédit de la campagne de 1805 – Austerlitz – édition établie par Thierry Rouillard – Éditions La Vouivre (1998).
Stutterheim, Kutusov, Relations de la bataille d’Austerlitz- édition établie par Thierry Rouillard – Editions La Vouivre (1998).
Berthier, Davout, Murat, Soult, Tranchant de la Verne. Relations et Rapports Officiels de la bataille d’Austerlitz, édition établie par Jacques garnier. Éditions La Vouivre (1998)
Pigeard Alain : les campagnes de Napoléon, quatuor , 1998
Pigeard Alain : L’armée de Napoléon. Taillandier, Paris, 2000
Pigeard Alain : Dictionnaire de la Grande Armée. Taillandier, 2002
Pigeard Alain : Dictionnaire des batailles de Napoléon, Taillandier , 2004
Hourtoulle F. G. Austerlitz : Le soleil de l’Aigle. Histoire et Collections, Paris, 2003
Pierre Miquel : Austerlitz, Albin Michel, Paris 2005
Robert Ouvrard : sous le soleil d’Austerlitz, Cosmopole, 2005
Jacques Jourquin et Jean Tulard : nous étions à Austerlitz, Taillandier 2005
Oleg Sokolov, Austerlitz (à paraître), 2005
Frédéric bey : Austerlitz, la victoire exemplaire, Quatuor 2005, édition luxueuse
Actes du colloque du bicentenaire des 30/11 au 2/12 2005, à paraître.
Note : cette bibliographie indicative a été publiée en 2005. Depuis, de nombreux ouvrages ont été écrits.
N’hésitez pas à compléter cette bibliographie par vos commentaires sur l’article. Ainsi je pourrai créer une rubrique complémentaire avec des ajouts.